Selon les dernières données de l’Insee, les femmes dans le secteur privé gagnent en moyenne 24 % de moins que leurs homologues masculins. Cette disparité s’explique en partie par des différences de volume de travail, mais aussi par la répartition inégale des professions, où les femmes sont moins présentes dans les postes les mieux rémunérés.
Cependant, même à poste équivalent, un écart salarial de 4% subsiste entre hommes et femmes. Pour les femmes qui estiment être victimes d’une discrimination salariale, il est souvent difficile de prouver cette inégalité sans avoir accès à des informations précises sur les salaires de leurs collègues. De leur côté, les employeurs peuvent craindre que la communication de ces informations porte atteinte à la vie privée de leurs salariés.
Inégalité salariale : équilibre entre droits
Dans une décision rendue le 8 mars dernier, la Cour de Cassation a tenté de résoudre ce dilemme entre le droit de la salariée à prouver une inégalité de traitement et le droit au respect de la vie privée de ses collègues. L’affaire concernait une femme licenciée après dix ans de travail au sein de deux sociétés différentes, qui estimait avoir été victime d’une inégalité salariale par rapport à des collègues masculins occupant des postes similaires.
Elle avait saisi la justice en utilisant l’article 145 du code de procédure civile, qui permet d’agir en référé pour demander au juge d’ordonner des mesures d’instructions pour conserver ou établir la preuve des faits avant tout procès. La Cour d’appel avait donné raison à la salariée en ordonnant la communication des bulletins de paie de huit salariés sur plusieurs années, en occultant leurs données personnelles à l’exception de leurs noms, prénoms, classifications conventionnelles, rémunérations mensuelles détaillées et rémunérations brutes totales par année civile. Les employeurs avaient contesté cette décision, invoquant une violation de la protection des données personnelles et de la vie privée de leurs collaborateurs.
Une atteinte proportionnée à la vie privée
Le pourvoi des employeurs a été rejeté par la Cour de Cassation, qui a confirmé la décision de la Cour d’appel. Elle explique que le droit à la protection des données personnelles n’est pas absolu et doit être mis en balance avec d’autres droits fondamentaux, conformément au principe de proportionnalité.
En se basant sur la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Code civil et le Code de procédure civile, la Cour de Cassation estime que le droit à la preuve peut justifier la communication d’éléments portant atteinte à la vie personnelle, à condition que cette communication soit indispensable à l’exercice de ce droit et proportionnée à son objectif.
Ainsi, les femmes qui estiment être victimes d’une inégalité salariale disposent désormais d’un nouvel outil pour obtenir l’égalité des salaires.
16/11/2023 -